“Sucer les seins” de sa femme ou de sa partenaire ne prévient pas du tout le cancer du sein. En Guinée, le cancer du sein et du col de l’utérus constituent un véritable problème de santé publique. En 2022, selon le ministre de la Santé et de l’Hygiène publique, Mamadou Pethé Diallo : « Plus de 700 nouveaux cas de cancer du sein pour 400 décès et 2 300 nouveaux cas de cancer du col de l’utérus pour 1 800 décès ont été enregistrés ».
Le mois d’octobre de chaque année est dédié à des campagnes d’information, de sensibilisation sur la prévention et la lutte contre les cancers, notamment celui du sein. Pour de nombreux internautes, c’est le moment idéal pour propager de la désinformation autour de la prévention du cancer du sein avec cette prétendue “astuce” : « sucer les seins de sa partenaire prévient le cancer » (1,2,3).
C’est quoi le cancer du sein selon l’OMS ?
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) informe sur son site officiel que « le cancer du sein est une maladie caractérisée par la croissance incontrôlée de cellules mammaires anormales qui forment alors des tumeurs. Si rien n’est fait, les tumeurs peuvent se propager dans l’organisme et avoir une issue fatale. Les cellules mammaires cancéreuses ont leur origine dans les canaux galactophores et/ou les lobules qui produisent le lait. La forme précoce (in situ) ne met pas la vie en danger. Les cellules cancéreuses peuvent se propager au tissu mammaire voisin (invasion) en provoquant des tumeurs qui forment des masses ou un épaississement. Les cancers invasifs peuvent se propager aux ganglions lymphatiques environnants ou à d’autres organes (en formant des métastases). Les métastases peuvent être fatales ».
Du sensationnel pour attirer plus d’attention sur ce mal ?
Courant octobre, nous avons repéré plusieurs publications (1,2,3) sur le réseau social Facebook invitant « les hommes à sucer les seins de leurs femmes ou de leurs partenaires » pour leur permettre de prévenir ou de réduire le risque de développer le cancer du sein. Ces posts proviennent de comptes d’influenceurs ou de grandes personnalités.
La première publication qui nous a alerté date du 02 octobre 2023. Emise par Andy Marc, il déclare : « Octobre rose. Sucer bien les seins de vos femmes pour prévenir le cancer du sein ». En plus de cette publication, d’autres suivent. Ce sont entre autres : Assongba John Matthew Mayeul, d’Aya Diawara et encore d’Ologbo Idaasha (qui reprend celle de Houéfa Agossadou).
Celle d’Aya Diawara, ex célèbre présentatrice à la télévision publique guinéenne et très suivie sur Facebook, nous a particulièrement alertés. Contrairement aux autres, son post publié le 11 octobre dernier a été commenté plus de 200 commentaires et partagé plus de 80 fois..
Contactée via la messagerie instantanée de Facebook, Messenger, elle nous a fourni cette réponse sans trop pousser la conversation : « Tu es journaliste et en matière de communication tu es censée savoir comment donner du sensationnel à une information. Mon combat c’est attirer plus d’attention sur ce mal. Et grâce à cette formule, regarde le nombre de partage et de vue. Allez voir des médecins et surtout n’oublie pas de te palper les seins ou de te faire palper par ton amoureux ».
Pour vérifier ces “astuces magiques contre le cancer du sein”, nous avons effectué de multiples recherches sur la « prévention du cancer du sein ». Dans la liste des résultats, aucun n’affiche “sucer le sein de sa partenaire” comme un moyen de prévention contre la maladie.
Nous avons repris notre recherche en tapant « fonds mondial de recherche sur le cancer du sein », souvent repris dans les publications et commentaires comme source de cette attitude préventive. Sur ce site, nous nous intéressons à l’onglet : l’alimentation, l’activité et le cancer. En cliquant dessus, différents sous titres se sont affichés dont types de cancers. Parmi les résultats de types de cancers, nous cliquons sur le cancer du sein. Une fois l’article affiché, nous recherchons dans les résultats sur le cancer du sein post ménopausique.
En observant l’allaitement au point 2, nous avons cliqué dessus et ça nous a ramené vers la lactation. Celui-ci indique que « l’allaitement diminue le risque de cancer du sein chez la mère », et fait donc cas de la succion d’un bébé et non d’un homme adulte.
Nous nous sommes retournés dans l’onglet l’alimentation, l’activité et le cancer pour cliquer sur le sous-titre Recommandations. Là, nous avons recherché Quelles sont les preuves ? qui nous a menés vers l’efficacité de nos recommandations en matière de prévention du cancer. Dans une série d’onglets affichés à droite et titrés “Recommandations” en matière de prévention du cancer, on y retrouve en dixième position un conseil pour les mamans.
Toujours dans notre vérification, nous avons interrogé Pr Bangaly Traoré, Chef du Service de cancérologie à l’hôpital national Donka, à Conakry, et coordinateur du Programme national de lutte contre le cancer.
Selon le spécialiste guinéen, sucer les seins de sa femme ou de sa partenaire ne prévient pas du tout le cancer du sein. « L’allaitement maternel est une chose, sucer le sein, c’est autre chose. L’allaitement maternel indique que le bébé est nourri par le sein. Généralement, la majorité des femmes tant qu’elles allaitent ne voient pas leurs menstrues. Elles ne sont donc pas soumises à l’imprégnation œstrogénique. Les œstrogènes sont des hormones qui favorisent l’apparition du cancer du sein. Donc, si l’œstrogène est moins sécrété, il y a moins d’imprégnation œstrogénique, donc moins de risque d’exposition ou de prédisposition des cellules mammaires à la stimulation hormonale, donc oestrogénique. C’est pour cela que l’allaitement favorise la prévention du cancer du sein », nous a-t-il expliqué.
Verdict
Sucer le sein de sa partenaire ne prévient pas le cancer du sein. Les moyens de prévention du cancer du sein restent surtout l’autopalpation, un dépistage régulier, la pratique régulière d’exercices physiques, une alimentation saine avec peu ou pas d’alcool et l’allaitement maternel pour les mamans.
Cet article a été rédigé par Elisabeth Zézé Guilavogui dans le cadre du projet d’Éducation aux Médias, à l’Information et au Numérique Plus (EMIN+) avec le soutien de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). L’article a été édité par Thierno Ciré Diallo et approuvé par Sally Bilaly Sow.