Au cœur de Dixinn dans la capitale Conakry, en début de cette semaine, les cours ont été perturbés à l’école Sainte Marie. Sur les images de l’alerte lancée par une écolière sur les réseaux sociaux, on constate des élèves qui peinent à respirer suite à une forte odeur nauséabonde. Des élèves luttaient pour respirer dans une atmosphère saturée d’une odeur nauséabonde.
Pour en savoir davantage, notre équipe s’est déployée sur le terrain, nous commençons par l’école où nous avons rencontré les responsables. Pour eux, cette odeur insupportable provient de la société de pêche Djoliba se trouvant à proximité de leur école. Les responsables de l’école tirent la sonnette d’alarme sur ces pratiques dangereuses de la société Djoliba pêche, qui persistent depuis deux ans, mettant en danger la santé de la population de la zone.
« Nous avons comme voisin une société de pêche qui ne respecte pas les normes de traitement du poisson. Les résidus sont laissés à l’air libre, affectant tout le voisinage. En début de semaine, les élèves et le personnel enseignant étaient gravement touchés, nous obligeant à suspendre les cours », explique Étienne Keita, proviseur du lycée Sainte Marie de Dixinn.
Des témoignages de certains écoliers soulignent l’impact négatif de cette pollution sur la santé des élèves, notamment ceux souffrant de problèmes respiratoires préexistants. Touré Salématou, asthmatique, décrit son calvaire. « Je suis asthmatique et je ne supporte pas d’être étouffée. Ce jour-là, on avait un cours de français et à un certain temps, personne n’arrivait à respirer et le professeur nous a demandé de sortir. Moi j’ai été très affectée, il a fallu que je quitte les lieux. Aujourd’hui je dois porter un masque pour ne pas respirer cette odeur » raconte-t-elle.
La responsabilité environnementale est au cœur des préoccupations, comme le souligne Traoré Bintou, appelant à une action concertée des autorités et à une prise de conscience collective quant à la gestion de la nature. « J’appelle à une éco-responsabilité de tous. Les autorités doivent prendre les dispositions nécessaires » interpelle la jeune lycéenne.
Pour mieux comprendre la situation, notre équipe s’est rendue sur place pour interroger les responsables de la société Djoliba Pêche. Le directeur, Sory Doumbouya, reconnaît les problèmes d’odeurs, mais affirme que sa société n’en est pour rien. « Moi même quand des animaux qui sont morts comme des chats, des chiens sont rejetés par la mer derrière notre cours, nous avons le même problème avec cette odeur nauséabonde. Nos activités se limitent à la pêche et la vente du poisson. Nous avons même un service de traitement d’eau usée. Sans ajouter plus de commentaires ».
Par ailleurs, dans notre échange, Sory Doumbouya admet que des poissons pourrissent parfois dans les installations de Djoliba Pêche.
Alors quel est la destination de ces poissons pourris ?
Le responsable de Djoliba Pêche nous donne une réponse plutôt surprenante, « nous revendons les poissons pourris aux femmes, fumeuses de poissons, ici il n’y a aucun déchet polluant » a déclaré Sory Doumbouya. Cette pratique soulève des zones d’ombres mais aussi des préoccupations, quant à la sécurité alimentaire et à la santé publique.
A la rencontre des femmes fumeuses de poissons
Pour vérifier cette déclaration préoccupante, notre équipe est allée interroger des fumeuses de poissons au quartier Lansanayah, en haute banlieue de Conakry. Bountou Keita, explique comment elles s’approvisionnent en poisson. « Nous achetons les poissons à Kenien et à Bonfi, mais pas à Dixinn. Nous ici, sauf erreur, nous n’achetons pas un poisson pourri, et si nous le faisons, le lendemain on retourne ces poissons là où on les a acheté, parce que nos clients ne vont pas acheter ce genre de poissons. Mais il y’a d’autres qui ne reprennent pas ces poissons, donc nous sommes obligés de les jeter » explique Bountou Keita.
Manque de transparence !
L’absence de transparence et de coopération des différents services impliqués est également préoccupant. Au centre national des sciences halieutiques de Boussoura, l’accès à l’information est restreint, avec des allégations selon lesquelles les liens entre les responsables de ce centre et le directeur de Djoliba Pêche influencent la gestion des problèmes environnementaux. Un des responsables du centre nous a dit en substance en nous conduisant hors du centre « ne vous fatiguez pas, personne ne parlera de ça ici, le responsable de Djoliba est un ancien membre du conseil d’administration du centre, on ne dira rien ».
Nous avons tout de même obtenu la réaction d’un chercheur, océanographe, au centre de recherche scientifique Conakry Rogbané (CERESCOR) qui explique que les conséquences de la pollution anthropique sont dévastatrices pour l’écosystème et la santé humaine. Le Dr Abdoulaye Mountaga Baldé, affirme « le rejet des poissons pourris ou des résidus de poissons peut créer une odeur nauséabonde et irritante. Le sol tout comme l’eau a une capacité limitée d’absorption. Il y’a un seuil qui est acceptable, au-delà, ça peut être un danger. Les personnes les plus vulnérables sont souvent les enfants et les femmes enceintes ».
Au-delà du témoignage de ce spécialiste, selon nos propres recherches, le nettoyage d’un réfrigérateur de poisson pourri avec un mélange de différents fluides peut causer une odeur insoutenable.
En conclusion, l’environnement est de plus en plus menacé en Guinée. Avec des actions de l’homme sur la nature, les conséquences peuvent s’avérer très critiques sur le milieu écologique et sur la santé humaine. Il est donc nécessaire d’engager des actions urgente pour préserver l’environnement et la santé publique. L’engagement des autorités, des entreprises et même de la population est crucial pour inverser cette tendance et garantir un avenir durable pour tous.
Mansa Moussa MARA