C’est une évidence, le coronavirus représente un danger particulier pour les personnes atteintes de maladies cardio-vasculaires. Dès le début de la crise sanitaire liée au covid-19, des études ont démontré l’apparition des problèmes respiratoires aigus sévères liés à des atteintes pulmonaires virales. Ces pneumonies entraînent pour la grande majorité des patients la nécessité d’une oxygénothérapie et dans 5 à 10% des cas le recours à une ventilation assistée voire la mise en place d’une ECMO en cas de situation incontrôlée.
Les facteurs de mauvais pronostic observés sont principalement l’âge, la présence de comorbidités dont l’HTA, le diabète, ou l’obésité mais aussi les maladies cardio-vasculaires qui ont été un facteur important de décès de beaucoup de personnes. Le coronavirus est connu pour attaquer le système CV, et il semble par ailleurs que le virus puisse s’attaquer directement au muscle cardiaque. Dans cette interview, le Docteur Djibril Sylla, spécialiste en médecine interne, orientation cardiologie, chef de service adjoint du service des urgences du CHU de Donka, porte à croire que certaines personnes souffrant de maladies cardio-vasculaires sous-jacentes sont à risque de tomber gravement malades du covid-19 et également celles atteintes du coronavirus couraient le risque de complications cardio-vasculaires.
Universciences : le coronavirus est particulièrement dangereux pour les patients atteints de maladies cardio-vasculaires. Comment le covid-19 affecte le cœur et les vaisseaux ?
Djibril Sylla : le coronavirus a une infection virale. Cela est un mécanisme purement immunologique ; comme le disaient des chercheurs, le mécanisme physiopathologique du covid-19 est encore un peu flou. Mais, cependant, ce qu’on peut dire par rapport au cœur et les vaisseaux, lorsqu’il ya une agression de l’organisme, on assiste à une activation du système immunitaire à savoir les globules blancs, donc cette activation du système immunitaire va entraîner à son tour au niveau particulier des poumons, une réaction inflammatoire. Donc au niveau du cœur et des vaisseaux, lorsqu’il y a ce processus inflammatoire réactionnel, cela peut entraîner une dilatation et cela va aussi entraîner des lésions inflammatoires au niveau des poumons et des vaisseaux. Parfois, il peut s’agir de patients qui ont déjà des facteurs de risque cardio-vasculaire qui sont hyper-tendu, si le covid-19 vient s’ajouter, cela ne va qu’aggraver le tableau clinique, d’autres, ils peuvent ne pas être hyper-tendu, et ce mécanisme immunologique peut aussi déclencher d’autres manifestations, telle que l’hypertension artérielle.
Universciences : Une grande majorité des patients guéris de covid-19 conservent des séquelles cardiaques dues à l’infection, même ceux qui ont une forme sévère de la maladie. Comment vous l’expliquer ?
Djibril Sylla : Souvent, si ce sont des malades qui ont des tares de comorbidités telles que l’hypertension artérielle, le diabète ou l’âge avancé au-delà de 65 ans ; ces malades, même après la guérison, il faut continuer à les donner les antis agrégats plaquettaires pour ne pas qu’ils refassent des complications. D’autres qui n’ont pas ces comorbidités avant, ils peuvent garder des séquelles, mais il faut toujours continuer à les donner les antis agrégats plaquettaires pour qu’ils soient stabilisés face aux mêmes types de complications.
Universciences : Très vite au cours de la pandémie, la question des atteintes cardiaques s’est posée, notamment parce que le coronavirus utilise les récepteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 pour pénétrer dans les cellules. Quel est le danger qu’encourent les personnes cardio-vasculaires ?
Djibril Sylla : Effectivement dans le mécanisme physiopathologique, nous avons dit qu’il y a un processus immunologique. Donc, le virus passe par ces récepteurs de l’angiotensine, de l’enzyme de conversion, pour déclencher ce mécanisme immunologique ou inflammatoire, et cela se développe particulièrement au niveau des reins. Avec cette simulation de l’angiotensine, cela peut entraîner l’élévation de la pression artérielle.
Universciences : En dehors de toute atteinte cardiaque liée à l’infection par le covid-19, le stress causé par la pandémie actuelle, qu’il soit psychologique, social ou économique, pourrait-il aussi avoir des répercussions sur le muscle cardiaque ?
Djibril Sylla : Quelqu’un qui développe cette maladie, on sait que sur le plan mental, sentimental, ils sont isolés ; leur activité réduite. Mentalement, ils sont stressés, et le stress peut avoir des conséquences sur le muscle cardiaque, rend le concerné hypertendu. Si cela n’est pas bien géré peut rendre toujours le malade hypertendu.
Universciences : Le risque cardio-vasculaire chez les jeunes personnes atteintes d’une infection au coronavirus légère ou asymptomatique provoque-t-il plusieurs types d’inflammation au niveau du cœur ?
Djibril Sylla : Il faut savoir que les sujets à risque de complications cardio-vasculaires avec le covid-19, ce sont surtout les personnes âgées. Plus l’âge a avancé, plus le système immunitaire est abaissé ; quand il y a une infection, le virus peut se multiplier facilement. Ce sont celle là qui peuvent développer des troubles respiratoires, par contre quand on est jeune, l’immunité est bonne, celle-ci peut contrôler l’infection, de façon inaperçue ; c’est ce qu’on appelle les asymptomatiques. Finalement, le sujet jeune est beaucoup moins en risque face au coronavirus.
Propos recueillis par Amadou Dari Diallo