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Aissatou Billy Sow : « concilier sa vie de chercheuse et celle de femme au foyer est difficile »

Aissatou Billy Sow, est chercheuse au Centre de Recherche Conakry Rogbane (CERESCOR), âgée de 63 ans, cette mère de deux filles est spécialiste des énergies renouvelables, elle s’intéresse également aux questions du genre. Après ses études universitaires en Roumanie, elle a préféré rentrer chez elle, de nos jours elle est l’une des toutes premières femmes spécialistes en énergie photovoltaïque en Guinée.

Aissatou Billy Sow: J’ai fait mes études pré universitaires ici à Conakry, avant de bénéficier d’une bourse du gouvernement roumain quand j’ai obtenu mon bac, en 1976. J’ai fait une année de langues, mais je dois le dire au début j’étais censé faire la pharmacie qui est le choix de mon père mais moi je ne voulais pas.

Universciences : Pourquoi ?

ABS : Je ne supporte pas les odeurs des produits dans les hôpitaux. C’est pourquoi je me suis orienté en sciences physiques à l’université de Bucarest où j’ai fait l’énergie nucléaire. Après cinq ans d’études, j’ai obtenu mon master mais j’ai fait ma thèse en bio physique. J’ai tout de suite bénéficié d’une opportunité aux îles Seychelles, là-bas j’ai travaillé dans un centre de recherche sur les énergies renouvelables. Tous mes travaux de recherches ont porté sur des technologies de production de biogaz, à partir de matériaux très divers, notamment la bouse de vache, la fiente de volaille. C’est là que j’ai découvert l’énergie photovoltaïque.

Universciences : Quand vous avez fini vos études en Roumanie, n’avez-vous pas obtenu des opportunités pour y rester et travailler ?

ABS : Oui bien sûr, je peux dire que j’ai eu l’opportunité de ma vie dans un centre de recherche. Mais je voyais que ce serait difficile de vivre dans un pays où je n’allais pas avoir facilement des nouvelles de ma famille. En France aussi, deux laboratoires ont voulu m’embaucher mais j’étais en état de famille j’ai dit non, peut-être que si j’avais accepté, je serai aujourd’hui une grande chercheuse.

Universciences : A votre retour en Guinée, avez-vous eu facilement un emploi dans un centre de recherche pour vous permettre de mettre en valeur ce que vous aviez appris ?

ABS : Franchement je n’ai pas eu de problème, parce qu’il faut le reconnaitre il n’y avait pas de problème d’emploi à cette période. J’ai été tout de suite affectée au CERESCOR au département des énergies et ils m’ont confié le laboratoire d’énergie. J’ai repris donc mes travaux sur le biogaz. Je me suis intéressée également aux foyers améliorés. Je me suis rendue compte que les foyers utilisés consommaient beaucoup de charbon et de bois : ce n’était pas économe.

Universciences : Jusque-là vous êtes au CERESCOR, qu’est-ce que faites ici à présent ?

ABS : J’ai servi un peu en tant que conseillère du Premier Ministre en charge de l’environnement et du développement durable, mais je suis revenu après au CERESCOR. Il y a deux ans, j’ai été nommée cheffe du service valorisation des résultats de la recherche.

Universciences : Comment êtes-vous parvenue à concilier votre travail de chercheuse et votre vie de famille ?

ABS : On ne peut pas sortir mon quotidien de chercheur à mon quotidien de femme. Je commence par la maison en faisant le ménage très tôt, et ensuite je pars au bureau. Mais ce n’est pas facile, parce qu’il y a des choses que tu as envies de faire mais ce n’est pas toujours évident, il y a assez de difficultés. Il faut le dire aussi, ici en Guinée la recherche ne dispose pas assez de moyens comme ailleurs.

Universciences : Comment vous-vous en sortez ?

ABS : En forçant, en lisant les résultats des recherches faites par d’autres chercheurs qui ne sont pas de chez nous à travers les revues.

Universciences : À quoi vos recherches ont-elles servi pour le développement de la Guinée ?

ABS : Le problème commun de tous les centres de recherche, c’est que beaucoup de recherches s’y font mais malheureusement elles y restent. Toutefois, dans mon département des énergies renouvelables, certains programmes de recherches sont financés par des bailleurs. Si je prends les programmes du biogaz, le bio digesteur. Je parle souvent des énergies renouvelables aux femmes pour un changement de comportement pour qu’il y est un impact dans les foyers. Mon projet sur le bio gaz a connu une grande réussite, on a fait l’expérience à Kindia. On avait prévu la conception d’une centaine de bio digesteur mais des gens ont piétiné pour des raisons inavouées ; c’est ça aussi la Guinée.

 Universciences : Qu’avez-vous à dire à ces femmes qui ont fait les sciences mais qui n’arrivent à trouver le bout du chemin mais aussi à celles qui fuient les sciences ?

ABS : Il y a des femmes qui se battent, comme moi. Mais il y a d’autres qui n’ont pas la chance de mettre en valeur ce qu’elles font. L’autre facteur, c’est qu’il n’y a pas beaucoup de femmes qui font des sciences en ce moment. C’est pourquoi avec notre mouvement, le Réseau africain des femmes chercheuses, nous faisons de la sensibilisation pour leur faire comprendre ce qu’elles peuvent gagner à travers la science. Chaque année, j’essaye de toucher au moins deux écoles pour parler aux filles des opportunités qui les attendent en faisant les sciences. Au niveau du gouvernement j’essaye de faire un plaidoyer avec de la discrimination positive. C’est-à-dire, la moyenne demandée au bac pour faire les sciences c’est 15 nous voulons que les filles qui ont 12 ou 13 par exemple soient orientées en sciences si elles le souhaitent. Venez vers les sciences vous ne le regretterez pas, les sciences c’est l’avenir, c’est la vie.

Propos recueillis par Alpha Oumar Bagou BARRY

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