La santé mentale, souvent négligée, est un pilier essentiel pour affronter les défis quotidiens. Au moment où la consommation des stupéfiants fait de plus en plus d’effets néfastes en Guinée, le Professeur Mamadi Mory Keita, spécialiste en psychiatrie et addictologie, insiste sur l’importance de sensibiliser la population à cette problématique. Des effets destructeurs du stress et de la consommation de drogues chez les jeunes sont de plus en plus constatés. Son centre “Croix Bleue de Guinée” reçoit de nombreux jeunes en désintoxication.
« La santé mentale est un bien-être global qui influence notre capacité à surmonter les défis du quotidien, à nous épanouir et à interagir positivement avec notre entourage », affirme Pr Mamadi Mory Keita, professeur de psychiatrie adulte et d’addictologie, responsable du centre Croix Bleue de Guinée.
Selon lui, la santé mentale ne se limite pas à l’absence de troubles psychiques ; elle repose aussi sur l’équilibre entre le corps et l’esprit. Cependant, la perturbation de cet équilibre, qu’elle soit causée par des maladies physiques comme le diabète, des événements traumatisants ou des troubles émotionnels, peut entraîner des troubles mentaux. Parmi les facteurs déclencheurs de troubles mentaux, on retrouve le stress, certaines maladies, et la consommation de drogues.
Un trouble mental se manifeste souvent par des changements de comportement, explique le professeur : « Une personne peut devenir triste, perdre l’intérêt pour les activités quotidiennes, et présenter des symptômes de dépression ou, à l’inverse, des accès maniaques. La consommation de drogues peut aussi provoquer des épisodes psychotiques ».
Des conséquences néfastes
Le professeur Mamadi Mory Keita souligne les conséquences du stress comme principal facteur de troubles mentaux, qu’il soit d’origine professionnelle, familiale ou sociale. Il met également en avant les effets néfastes de la consommation de drogues, en particulier chez les jeunes, qui peuvent développer des comportements délirants et devenir dépendants. Par ailleurs, des maladies physiques, bien qu’indirectement liées au cerveau, peuvent aussi altérer l’état psychologique d’une personne. « Les maladies mentales telles que la schizophrénie, la dépression ou encore le burn-out, ainsi que la psychose alternante chronique, fréquemment observée chez les femmes, ont des répercussions profondes sur la vie sociale et professionnelle des personnes atteintes », affirme le professeur Mamadi Mory Keita.
Pour éviter les rechutes, il insiste sur l’importance d’un suivi médical régulier afin d’empêcher les conséquences qui peuvent conduire à des situations extrêmes comme le suicide. « Une mauvaise santé mentale peut conduire à des comportements dangereux, comme la délinquance, la violence ou même le suicide », ajoute le Professeur Mamadi Mory KEITA.
Plus de 50 patients reçus par mois
Croix Bleue de Guinée, un centre médico-psychologique situé à Simanbossia dans la commune de Ratoma reçoit de nombreux jeunes en désintoxication dont l’âge varie de 15 à 25 ans. Il suit également une autre tranche d’âge de 26 à 40 ans. Le centre offre un suivi rigoureux pour prévenir les rechutes.
« En consultation externe, nous recevons en moyenne 3 à 4 nouveaux malades par jour, en plus des patients réguliers venant pour des contrôles. Nous suivons les malades sur le long terme, ce qui permet de réduire le risque de rechute. Chaque mois, nous pouvons accueillir entre 40 et 60 patients. Cependant, il faut tenir compte de la pauvreté de la population, qui ne peut pas toujours financer un traitement approprié. De ce fait, de nombreux malades restent sans soins. »
Des patients suivis
Mamadou Hadi Diallo, un patient du centre Croix Bleue de Guinée, affirme avoir constaté des améliorations depuis son arrivée. « Cela fait huit mois que je ne me sentais pas bien. Parfois, je me parlais à moi-même. Je suis ici depuis trois semaines, et ça va beaucoup mieux maintenant. Le personnel prend bien soin de nous, et nous suivons régulièrement nos traitements », dit-il.
Ce jeune patient, âgé d’une vingtaine d’années, n’a pas souhaité révéler la cause exacte de sa maladie, mais sa mère, Djenab Diaouné, n’a pas hésité à partager son point de vue : « Mon fils consomme de la drogue, je pense que c’est ce qui a causé sa détérioration mentale. Il parlait seul, criait et récitait le Coran à voix haute… Nous avons consulté de nombreux guérisseurs sans succès, alors nous sommes venus au centre. Aujourd’hui, grâce à Dieu, il va beaucoup mieux. »
Rouguiatou Sall, venue accompagner sa mère malade depuis trois ans, a constaté elle aussi de l’évolution de l’état de santé de sa mère. « Au début, ma mère ne s’entendait plus avec mon père, ni avec nous, ses enfants. Elle se maquillait la nuit… Mais depuis que nous sommes dans ce centre, les choses commencent à s’améliorer », se réjouit-elle.
Pour le professeur Keita, l’un des enjeux majeurs reste la sensibilisation. En Guinée, de nombreuses personnes ne reconnaissent pas encore la santé mentale comme une maladie à part entière, souvent perçue à travers le prisme des croyances traditionnelles. Il est pourtant essentiel d’informer la population sur les dangers des drogues et l’importance de consulter des professionnels de santé.
Dans son rapport intitulé « Rapport mondial sur la santé mentale : transformer la santé mentale pour tous », l’OMS appelle les pays à accélérer la mise en œuvre du Plan d’action. Elle estime que tous les pays peuvent faire de véritables progrès qui permettront d’améliorer la santé mentale de leur population.
M’mah Bangoura