Autrefois sanctuaire de biodiversité, les mangroves guinéennes font aujourd’hui face à une destruction alarmante, principalement due aux activités humaines et à une urbanisation anarchique. Ces forêts tropicales, qui abritent des espèces emblématiques comme l’Avicenia et le Rhizophora, jouent un rôle clé dans la lutte contre le changement climatique et la sécurité alimentaire. Pourtant, elles disparaissent à un rythme inquiétant.
Un rôle écologique et climatique crucial
Les mangroves comptent parmi les écosystèmes les plus riches en carbone. En moyenne, elles stockent jusqu’à 1 000 tonnes de carbone par hectare dans leur biomasse et leurs sols selon le programme des nations unis pour l’environnement. Leur importance va bien au-delà : elles protègent les côtes de l’érosion, favorisent la reproduction des espèces aquatiques, et agissent comme rempart contre les inondations et la montée des eaux salées.
« Elles empêchent la montée de l’eau salée et servent de nurseries pour de nombreuses espèces aquatiques. Leur destruction entrave le développement des poissons et déstabilise l’écosystème marin », souligne Abdoulaye Ibrahima Camara, chercheur au CERESCOR.
Une disparition accélérée, impact direct sur la sécurité alimentaire
Selon les données du Centre de Recherche Scientifique de Conakry Rogbanè, plus de 7 % de la couverture de mangroves a disparu ces dernières années. À Sondö, dans la préfecture de Coyah, les constructions anarchiques ont remplacé ces écosystèmes, mettant en péril la biodiversité et les moyens de subsistance locaux.
La disparition des mangroves menace également les rizières côtières, essentielles pour l’alimentation des communautés locales. Ces zones, autrefois protégées des inondations par les mangroves, sont aujourd’hui exposées à la montée des eaux, compromettant les récoltes et les revenus des habitants. « Ces terrains étaient autrefois des casiers rizicoles. Aujourd’hui, l’eau salée et les constructions incontrôlées les rendent inutilisables pour la culture », déplore Mohamed Bangoura, habitant de Sondö.
« La rareté des poissons est une conséquence directe de cette destruction. Les mangroves jouent un rôle nourricier pour les espèces halieutiques. Sans elles, la reproduction des poissons devient impossible », alerte Fodé Bassy Bangoura, spécialiste de l’environnement marin.
Des solutions pour inverser la tendance
Face à ce constat, des acteurs de la société civile comme Mamadou Ly de l’ONG ACOREC plaident pour des mesures concrètes. « Aujourd’hui, on doit changer ces fours traditionnels en des fours modernes, au lieu qu’ils continuent à s’alimenter à travers le palétuvier issu de la mangrove, on doit utiliser le courant ou d’autres sources d’énergie, pour pouvoir diminuer la fréquence abusive de la coupe de la mangrove. Au niveau de la saliculture, les femmes utilisent la mangrove pour faire bouillir le sel pour provoquer l’évaporation avec les basses solaires. C’est une expérience qui est beaucoup plus sollicitée au niveau des zones côtières ».
Selon le Programme des Nations Unies pour l’Environnement, la restauration des mangroves pourrait générer chaque année près de 60 000 milliards de jeunes poissons et invertébrés, renforçant la sécurité alimentaire dans un contexte de croissance démographique rapide.
Pour sauver les mangroves, une prise de conscience collective est urgente. Restaurer cet écosystème vital exige une combinaison d’efforts entre les gouvernements, les scientifiques, les communautés locales et les organisations internationales. Si rien n’est fait, les conséquences pourraient être irréversibles, tant pour l’environnement que pour les populations.
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Alpha Oumar Bagou BARRY