Depuis l’apparition de la pandémie de Covid-19, le suivi des différents variants du virus Sars-CoV-2 est devenu un défi crucial pour la santé publique. En Guinée, le Centre de Recherche et de Formation en Infectiologie de Guinée (CERFIG) s’est engagé dans un projet de recherche dédié à la surveillance des variants de ce virus en perpétuelle mutation.
Récemment, des scientifiques du CERFIG ont publié plusieurs études dans des revues scientifiques réputées, éclairant sur l’évolution des variants et leurs impacts. Ces travaux de recherche sont les résultats du projet AFROSCREEN mis en place dans 13 pays avec l’appui de l’IRD et de l’ANRS-MIE. Nous avons eu l’opportunité de recueillir leurs réflexions pour mieux appréhender ces avancées et leur signification pour la santé des populations.
Une surveillance renforcée pour mieux saisir l’évolution du virus
Les chercheurs du CERFIG ont établi un système de surveillance génomique afin de détecter et d’analyser les mutations virales. Dre Haby Diallo, pharmacienne et biologiste, décrit : « Nous avons prélevé et analysé des échantillons de patients infectés par la Covid-19, dans le but d’identifier les lignées virales présentes. Cette analyse nous aide à saisir comment le virus évolue et quelles actions peuvent être entreprises pour mieux le maîtriser. » Ainsi, le suivi des variants joue un rôle fondamental dans la prévision des vagues épidémiques et dans l’adaptation des stratégies de réponse, notamment en matière de vaccination et de mesures sanitaires.
Évolution très variable des variants
L’étude ici réalisée au CERFIG a montré que plusieurs variants, dont certains seraient associés à une transmissibilité accrue ou à un abaissement de l’efficacité des vaccins, circulaient. « Nos différentes analyses ont révélé que les variants Alpha et Delta ont dominé certaines périodes en Guinée, alors que d’autres souches ont été détectées de façon sporadique. Ces informations sont essentielles pour orienter les recommandations en santé publique », précise Dre Haby.
Pour identifier les variants du SARS-CoV-2, il existe un processus très rigoureux en laboratoire. Au départ, comme l’explique la Dre Haby, dans le cas où des tests doivent être effectués, les échantillons nasopharyngés sont prélevés puis analysés au laboratoire. « On procède dans un premier temps à l’extraction du matériel génétique du virus, son ARN, et ensuite on réalise le diagnostic moléculaire par PCR en temps réel. Cela permet de détecter les cas positifs. »
Lorsque la charge virale de l’échantillon est suffisante, il est possible de le séquencer afin d’en déterminer la composition génétique : « L’ARN viral est d’abord transcrit en ADN complémentaire puis amplifié afin d’obtenir suffisamment de matériel génétique. On prépare ensuite les échantillons pour le séquençage, c’est-à-dire pour analyser l’ordre des bases qui constituent le génome du virus. Grâce à des outils bioinformatiques, on compare les séquences obtenues avec les références disponibles afin d’identifier d’éventuelles mutations et d’identifier les différents variants » détaille Dre Haby.
La circulation des variants
La circulation des variants doit être reliée avec des dynamiques de mobilité et des facteurs structurels ayant favorisé leurs propagations. Selon Dr Thibaut Armel Chérif Gnimadi, chercheur au CERFIG explique : « Plusieurs facteurs peuvent expliquer la dynamique de circulation du virus mise en évidence dans notre étude. Tout d’abord, le non-respect des mesures de contrôle instaurées a favorisé la propagation du SARS-CoV-2. Ensuite, la forte transmissibilité et la variabilité génétique du virus ont également joué un rôle clé dans l’émergence et la diffusion rapide des différentes variantes».
L’un des principaux facteurs reste la mobilité transfrontalière précise Dr Thibaut Armel Chérif Gnimadi. « La région de Nzérékoré, située à la frontière de trois pays (Côte d’Ivoire, Sierra Leone et Liberia), a constitué un point d’échange majeur, qui aurait probablement facilité l’entrée et la sortie du virus. Les mouvements d’entrée à l’aéroport international de Conakry ont également probablement contribué à l’introduction et à la dispersion des variants en Guinée. »
Des travaux pour la population
En dehors des enjeux scientifiques, les résultats de ces recherches influencent la stratégie sanitaire nationale de lutte contre la Covid-19. Si les autorités sanitaires guinéennes prennent certaines décisions, elles sont pour partie guidées par ces analyses. Dr. Jean-Jacques Olivier, pharmacien, spécialiste en santé publique indique : « La population doit comprendre que la surveillance des variants n’est pas seulement l’affaire des scientifiques, mais cela concerne aussi les politiques de vaccination, la gestion des hôpitaux, les mesures de prévention. Et maintenant ce projet a permis de voir qu’il y avait une distribution un peu spatio-temporelle de variant, donc beaucoup de variants viennent d’ailleurs. L’autre chose c’est qu’en terme de surveillance génomique, le pays a renforcé les capacités ». Le CERFIG joue donc un rôle fondamental en permettant d’apporter des données actualisées et fiables pour répondre à l’évolution de la situation sanitaire.

Vers une recherche pérenne
Les chercheurs insistent sur la nécessité d’un financement et d’un soutien accrus pour permettre de poursuivre ces travaux. L’objectif est de faire de la surveillance un outil élargi à d’autres maladies infectieuses, et de renforcer les capacités de réponse du pays face à d’autres pandémies à l’avenir. « La recherche scientifique doit être perçue comme quelque chose à investir. Nos travaux sur le Sars-CoV-2 montrent que la Guinée a les compétences pour participer à cet effort mondial contre les maladies infectieuses » conclut Dr Olivier.
Ainsi les recherches du CERFIG montrent le rôle central de la science dans la lutte contre les crises sanitaires, la vigilance sur les mutations du Sars-CoV-2 reste l’une des priorités des scientifiques.
Le Centre de Recherche et de Formation en Infectiologie fait également un plaidoyer pour une vulgarisation de la surveillance génomique des germes à potentiel épidémique dans le pays.
Alpha Oumar Bagou BARRY