Après de nombreuses années de lutte contre la maladie du sommeil (trypanosomiase humaine africaine), le ministère de la santé guinéen a fait valider par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) l’élimination de cette maladie. La maladie du sommeil, ou trypanosomiase humaine africaine (THA), est une maladie parasitaire tropicale transmise par la piqûre de la mouche tsé-tsé. Elle est causée par un parasite du genre Trypanosoma et touche principalement l’Afrique subsaharienne.
Le contrôle des mouches tsé-tsé
Pour arriver à cette élimination, la Guinée a adopté des stratégies qui ont permis de mieux contrôler les mouches tsé-tsé, vecteur principal de cette maladie. Au-delà de ce contrôle, des campagnes de dépistage et de sensibilisation à grande échelle, ainsi que le développement de nouveaux médicaments sûrs et efficaces, ont permis d’éliminer cette maladie tropicale négligée.
« La Guinée, depuis près de 20 ans, a opté pour une stratégie novatrice reposant sur la combinaison de la lutte médicale et entomologique, soutenue de manière très forte par des activités de recherche, menées dans le cadre du projet TrypaNo, financé par la Fondation Gates », a déclaré Jean-Mathieu Bart, chercheur à l’IRD.
Il ajoute : « C’est une étape essentielle qui vient d’être franchie, mais l’effort doit se poursuivre, avec pour objectif l’arrêt total de la transmission d’ici 2030. »
En 2024, seulement 12 cas de trypanosomiase humaine africaine (THA) ont été diagnostiqués en Guinée, alors que le seuil d’élimination de la maladie du sommeil s’est considérablement réduit à un cas pour 10 000 habitants dans les trois foyers endémiques. Les innovations techniques ont permis de développer de nouveaux tests de diagnostic (en particulier avec l’Institut Pasteur de Guinée) et des traitements avec le DNDi, l’Initiative Médicaments contre les Maladies Négligées, qui ont progressivement amélioré la vie et le confort des malades. Certains de ces traitements sont issus de la recherche et d’essais cliniques menés en Guinée et en RDC.
Le ministre guinéen de la santé Oumar Diouhé Bah se félicite de cet accomplissement. « Ce résultat représente une étape historique vers l’objectif consistant à parvenir à son éradication d’ici à 2030, conformément à la feuille de route de l’Organisation mondiale de la santé. Avec la vision d’une couverture santé universelle, le gouvernement guinéen adopte une approche globale des soins de santé, en intégrant la lutte contre les maladies tropicales négligées afin que personne ne soit laissé de côté ».
La France aux côtés de la Guinée
En 2003, le Programme national de lutte contre la THA (PNLTHA) est né grâce aux résultats du projet de recherche sur l’épidémiologie de la THA en zone de mangrove, financé par l’ambassade de France. Ce projet a relancé les activités de recherche axées sur le parasite et le vecteur, permettant ainsi la mise en place d’une base de collaboration avec plusieurs chercheurs et institutions de recherche du Nord et du Sud. Depuis la création du programme national, la recherche fait partie intégrante et constitue le support de la lutte contre la THA en Guinée.
« Les efforts de la Guinée, en particulier des équipes de son programme national de lutte et de ses partenaires, portent aujourd’hui leurs fruits : voilà une formidable avancée vers l’élimination d’une maladie autrefois considérée comme un fléau en Afrique », se réjouit Brice Rotureau.
Le directeur de recherche à l’Institut Pasteur et directeur de l’Unité de Parasitologie de l’Institut Pasteur de Guinée, explique que la Guinée a fait preuve d’innovation, dans la lutte contre cette maladie tropicale négligée. « L’originalité du modèle guinéen, qui a su intégrer de manière efficace la formation et la recherche biomédicale translationnelle à la lutte contre la maladie, est aujourd’hui un exemple pour de nombreux pays engagés vers l’élimination. »
La maladie peut-elle revenir ?
Malgré ces résultats obtenus par la Guinée après des années de lutte, le pays ne compte qu’une poignée de cas. Un succès impressionnant, étant donné qu’il s’agit du pays le plus touché par cette maladie en Afrique de l’Ouest, selon DNDi.
« C’est un nouveau fantastique et une étape majeure dans nos efforts collectifs pour éliminer cette maladie terrible et négligée. La Guinée ne compte plus qu’une poignée de cas », explique Luis Pizarro, directeur exécutif de DNDi. Toutefois, la crainte d’un retour de cette maladie persiste, malgré ces résultats prometteurs.
« Il faut rester vigilants : la maladie peut revenir si nous baissons la garde. Nous avons besoin d’outils de santé adéquats pour prévenir une résurgence, notamment des médicaments sûrs et efficaces, simples à administrer et à distribuer », conseille Luis Pizarro.
Dans cette lutte, il ajoute que le nouveau traitement adopté, appelé “acoziborole”, est essentiel pour éliminer cette maladie. « C’est un médicament prometteur qui sera un élément essentiel pour maintenir cette élimination », a-t-il conclu.
Depuis plus de 20 ans, la Guinée lutte contre cette maladie tropicale négligée. Aujourd’hui, elle se trouve à une étape très avancée de l’élimination absolue de la maladie du sommeil.
Mansa Moussa Mara