Du diagnostic à la guérison, les survivants du cancer font face à de nombreux défis. Pourtant, après la lutte contre le cancer, les survivants commencent une nouvelle bataille : celle de se faire accepter par leur entourage.
Parmi les types de cancer les plus répandus et les plus dangereux figure le cancer du sein, avec plus de 2,26 millions de cas selon l’organisation mondiale de la santé (OMS). L’OMS ajoute qu’en 2020, 129 400 nouveaux cas de cancer du sein ont été constatés en Afrique subsaharienne. C’est le cancer le plus mortel chez la femme dans 19 pays d’Afrique. Selon des statistiques du service national de cancérologie de l’hôpital national Donka, en Guinée, les chiffres sont effrayants : au moins deux cas sont diagnostiqués et un cas de décès est signalé chaque jour. Malgré ces statistiques effrayantes, l’espoir est permis à certains patients qui guérissent et retrouvent leur sourire.
Ousmane Diallo, abandonnée par son mari
À Kagbelen, dans la préfecture de Dubréka, située à 22 kilomètres du centre-ville de la capitale guinéenne, Ousmane Diallo, âgée de 42 ans, a accepté de partager son expérience de survivante du cancer. Elle vit dans un quartier très calme, qui se situe à environ trois kilomètres de l’autoroute Le Prince. Elle revient, avec beaucoup d’émotions, sur les épreuves qu’elle a traversées pendant la maladie.
Après les premiers signes du cancer qui se sont manifestés au niveau de son sein, Ousmane est partie au Sénégal, où elle a subi une opération pour extraire la tumeur qui se trouvait dans son sein.
« Après l’intervention, ils m’ont annoncé qu’il s’agissait d’un cancer. Ils m’ont ensuite proposé de me référer à un médecin traitant dans mon pays, la Guinée. C’est ainsi qu’ils m’ont recommandé le Dr Malik Bah, qui m’a suivi tout au long de mon traitement jusqu’à ma guérison.
Le traitement, notamment la chimiothérapie, a été éprouvant. J’ai souvent souffert de maux de tête, de fatigue générale et d’épuisement », a-t-elle expliqué.
Mise à rude épreuve, la jeune dame a pu compter sur le soutien de sa famille et de ses amis, mais son mari a décidé de l’abandonner dans sa maladie. Aujourd’hui, elle vit seule.
« Pendant cette période difficile, mon mari m’a abandonnée, mais ma famille et mes amis m’ont soutenue. Aujourd’hui, grâce à Dieu, je suis guérie », a affirmé Dame Ousmane.
Le quotidien d’Ousmane a changé
Si la vie de cette dame était animée par ses activités commerciales, aujourd’hui, les conséquences de cette maladie ont affecté son quotidien. Cloîtrée dans une cour, elle n’a aucune source de revenu depuis trois ans. Elle évoque une maladie qui a affecté ses activités.
« Ma vie et mes projets ont certes changé, avant, je faisais du commerce, mais maintenant, je ne fais rien à cause de la maladie. Je souhaite que les choses redeviennent comme avant, afin de reprendre mes activités habituelles » a-t-elle affirmé.
Comment guérir du cancer ?
Comme dame Ousmane, d’autres femmes guérissent du cancer, malgré les chiffres effrayants de cette maladie. Ce n’est si simple selon les spécialistes, la détection précoce du cancer détermine les chances de guérison.
« Pour ce qui est des chances de guérison par rapport aux standards internationaux, elles dépendent principalement de la précocité du diagnostic. Plus un cancer est détecté tôt, plus le patient a des chances de guérison », explique le Dr Mamadou Souaré, cancérologue, responsable du suivi et de l’évaluation au Programme National de Lutte Contre le Cancer.
En Guinée, la majorité des cas reçus dans les structures de santé sont diagnostiqués à un stade très avancé, ce qui complique le traitement et nécessite des ressources financières importantes. Malheureusement, le coût élevé des traitements constitue un frein majeur pour de nombreux patients.
Les traitements disponibles
En Guinée, deux types de traitements sont disponibles : la chimiothérapie, qui a été améliorée, et la thérapie ciblée. La première option a connu une amélioration avec la disponibilité de plusieurs molécules non accessible il y a quelques années. « Ce sont les innovations en matière de traitement pour le moment disponibles chez nous », explique Dr Mamadou Bobo Souaré.
La radiothérapie n’existe pas encore dans le processus de traitement des patients. Toutefois, selon le Dr Souaré, des efforts sont en train d’être fournis par le Programme National de Lutte Contre le Cancer, pour que le pays obtienne sa première unité de radiothérapie.
Des répercussions psychologiques énormes
L’annonce du diagnostic de cancer provoque souvent un choc profond chez le patient. Cette révélation entraîne une sidération, plongeant l’individu dans un état psychologique extrêmement vulnérable. Dr Alhassane Chérif, psychologue depuis plus de 50 ans, a reçu de nombreux survivants du cancer. « Il se sent psychologiquement anéanti, comme s’il appartenait déjà au “monde des morts”. Cette perception l’empêche souvent d’activer ses mécanismes habituels de défense et de lutte, qui semblent totalement paralysés » a expliqué le Dr Chérif.
Pendant la maladie, le patient est souvent perçu par la société comme étant à la marge de la vie, presque “déjà mort”. Une fois guéri, il est parfois célébré comme un héros ayant triomphé de la maladie, mais ce statut peut s’accompagner de stigmates persistants.
« Certains continuent à considérer les survivants comme des “éternels malades”, et le malade lui-même peut parfois ressentir un sentiment de culpabilité, se demandant s’il mérite ou non ce qu’il a vécu », déclare le Pr Alhassane Chérif.
Cette stigmatisation peut aggraver l’état psychologique du survivant. Ce dernier peut alors développer des épisodes dépressifs, alimentés par un sentiment d’isolement et une difficulté à se réintégrer pleinement à la vie sociale et professionnelle. « Si je reçois des survivants du cancer, je travaille forcément avec eux sur une thérapie de réconfort, de consolidation, à la fois sur le plan somatique et sur le plan psychique », ajoute-t-il.
Les survivants manquent d’initiatives locales de soutien
En ce qui concerne l’accompagnement des patients, il existe peu d’initiatives locales à ce jour. La réinsertion professionnelle ou l’accompagnement psychologique des malades ne sont pas encore effectifs.
« La société civile commence à s’organiser pour structurer des actions collectives, mais pour le moment, chaque acteur évolue de manière isolée, il n’y a pas d’initiative locale. Au sein du service de cancérologie, nous essayons d’accompagner psychologiquement les patients, mais quant à la réinsertion professionnelle ou bien la réintégration sociale de ces personnes, ce n’est pas effectif pour le moment en Guinée », a déclaré Dr Mamadou Bobo Souaré, cancérologue, responsable suivi et évaluation du Programme National de Lutte Contre le Cancer.
En Guinée, la réintégration des survivants du cancer reste un défi majeur. Au-delà de l’histoire de Madame Ousmane Diallo, qui a accepté de répondre à nos questions, nos tentatives pour recueillir d’autres témoignages de survivants ont échoué. La peur du jugement et de la perception reste toujours présente.
Mansa Moussa Mara