Une étude menée par le Dr Alhassane Diallo, enseignant-chercheur à l’Université Gamal Abdel Nasser de Conakry, apporte de nouvelles perspectives pour la prise en charge de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée ou modérément réduite (abrégé HFpEF). Il s’agit de la forme la plus courante d’insuffisance cardiaque, particulièrement fréquente chez les personnes âgées, les patients atteints de surpoids ou d’obésité et de diabète de type 2.
Cette maladie grave entraîne de nombreuses hospitalisations et augmente considérablement le risque de décès cardiovasculaire. Pourtant, contrairement à d’autres formes d’insuffisance cardiaque, les options thérapeutiques restent encore limitées.
Une étude internationale sur plus de 25 000 patients
Pour combler ce vide, le Dr Diallo et son équipe internationale ont analysé les données de plus de 25 000 patients provenant de huit grands essais cliniques. Leur travail, publié dans la revue eClinicalMedicine (groupe The Lancet), démontre que l’association de trois classes de médicaments – les antagonistes des récepteurs des minéralocorticoïdes, les inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose de type 2 et les agonistes des récepteurs du GLP-1, dont le sémaglutide – offre des bénéfices significatifs pour les patients.
« HFpEF est une maladie grave et fréquente avec peu d’options thérapeutiques disponibles à ce jour », explique le Dr Diallo pour justifier son choix de recherche.
Des résultats impressionnants
Les résultats sont éloquents. La combinaison de ces trois traitements réduit de 58 % le risque combiné d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque ou de décès cardiovasculaire. Elle diminue également de 73 % les hospitalisations spécifiques liées à l’insuffisance cardiaque et de 43 % la mortalité cardiovasculaire. Concrètement, cela signifie qu’en traitant au moins pendant deux ans les patients avec cette combinaison, on éviterait un événement grave (une hospitalisation ou un décès) à quatorze d’entre eux.
Ces données ouvrent des perspectives majeures pour l’élaboration de nouvelles recommandations médicales. Elles confirment que l’utilisation combinée de plusieurs approches thérapeutiques s’avère plus efficace que l’administration d’un seul ou deux médicaments.
Une importance particulière pour l’Afrique
Pour le Dr Diallo, ces résultats revêtent aussi une importance particulière dans le contexte africain : « L’insuffisance cardiaque est un problème majeur de santé publique, mais elle prend une dimension particulière en Afrique avec l’augmentation rapide du diabète et de l’obésité. Il est crucial que nos recherches puissent contribuer à améliorer la prise en charge des patients, y compris chez nous », souligne-t-il.
Il insiste également sur la nécessité de mieux évaluer cette stratégie thérapeutique dans des populations Africaines : « Seulement 4 % de population noire d’origine américaine ont participé à ces essais cliniques. Il serait important d’évaluer leur efficacité sur un plus grand échantillon de sujets noirs d’origine Africaine. Comme il sera difficile de convaincre les laboratoires pharmaceutiques de mener des études cliniques spécifiques dans notre contexte Africain, il serait intéressant de mettre en place des études de suivi appelées cohortes prospectives pour avoir une meilleure connaissance de l’efficacité de ces nouveaux traitements en vie réelle. C’est un projet en cours », précise-t-il, dans l’espoir d’obtenir des financements pour arriver à ces fins.
Quels défis pour l’application clinique ?
L’un des obstacles reste la validation définitive de cette trithérapie. « Il faudrait tester cette combinaison dans un nouvel essai clinique de phase 3 multicentrique de très grande puissance », rappelle le chercheur.
Interrogé sur les éventuels effets secondaires, le Dr Diallo se veut rassurant :
« Les essais de phase 3 qui testeront la triple combinaison nous en diront davantage. À ce jour, il n’y a pas de signal majeur inquiétant sur chaque traitement pris individuellement. »
Le chercheur compte désormais poursuivre ses travaux. « Nous souhaitons mettre en place des études cliniques en vie réelle ou des essais spécifiques sur les populations noires d’origine Africaine », annonce-t-il.
Bien que d’autres recherches soient encore nécessaires, cette étude marque déjà une étape importante dans la lutte contre une maladie qui touche un nombre croissant de personnes dans le monde et ouvre la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques plus efficaces.
Alpha Oumar Bagou Barry













