L’Académie des sciences de Guinée, en collaboration avec l’Université Gamal Abdel Nasser de Conakry, a organisé un colloque sur la résistance aux antimicrobiens en Guinée ce samedi 5 juillet 2025, sous le thème : « Accélérer la lutte contre la résistance aux antimicrobiens en Guinée à travers l’approche One Health ». L’objectif est de proposer une réponse intégrée, reconnaissant les liens indissociables entre la santé humaine, animale et environnementale.
La résistance aux antimicrobiens (RAM) est un phénomène naturel par lequel des micro-organismes (comme les bactéries, virus, champignons ou parasites) évoluent et deviennent insensibles aux médicaments conçus pour les éliminer, tels que les antibiotiques, les antiviraux, les antifongiques ou les antiparasitaires.
Des défis énormes, Des chiffres alarmants
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la RAM est l’une des 10 plus grandes menaces de santé publique mondiale.
Chaque année, près de 5 millions de décès sont liés à la RAM, dont 1,27 million sont directement causés par des infections résistantes. Si rien n’est fait, ce chiffre pourrait atteindre 10 millions de morts par an d’ici 2050, selon les estimations de l’OMS. La résistance est notamment alimentée par l’usage excessif ou inapproprié des antimicrobiens, aussi bien chez l’humain que dans les élevages.
En Guinée, les données disponibles sont encore limitées, mais les études présentées dans ce colloque indiquent une augmentation préoccupante de la résistance des bactéries aux antibiotiques couramment utilisés, notamment dans les hôpitaux du pays. Cette situation est aggravée par l’automédication, le manque de surveillance, et l’usage inapproprié des antimicrobiens chez les humains, les animaux et dans l’agriculture. Ce colloque d’une grande richesse a permis à la présentation de résultats de recherche pertinents que des chercheurs de renom ont partagé. Ce sont entre autres :
État des lieux et surveillance de la résistance aux antimicrobiens (RAM) dans les élevages en Guinée ;
Approche épidémiologique et métagénomique pour la surveillance de la RAM en Guinée ;
Résistance aux antituberculeux en Guinée ;
Diversité génétique et profil de résistance aux médicaments plasmodium chez les hôtes humains et moustiques : implication pour la lutte antipaludique en Guinée…
Cette diversité de thèmes de recherche montre déjà toute la bonne saveur de ce colloque.
Une menace silencieuse mais bien réelle
Cette initiative de l’Académie des sciences de Guinée contribue à éclairer la décision publique par l’expertise scientifique et à créer des ponts entre la recherche, la pratique médicale et les politiques de santé. La résistance aux antimicrobiens constitue une menace silencieuse et croissante qui fragilise les acquis en santé humaine, animale et environnementale.
« Cette crise est exacerbée par l’automédication, l’insuffisance du diagnostic et la faiblesse du système de surveillance. La menace est donc réelle et nous avons le devoir et l’obligation de faire face », a affirmé le Ministre de la Santé, le Dr Djouhè Bah.
En Guinée et en Afrique subsaharienne, la résistance antimicrobienne n’est pas une menace future. C’est une réalité actuelle qui rend inefficaces les antimicrobiens les plus précieux, aggrave le fardeau des maladies infectieuses, menace la sécurité alimentaire, et pèse lourdement sur l’économie.
Des appels à l’action intégrée
« Nous sommes aujourd’hui réunis pour combattre un ennemi invisible mais dévastateur : la résistance aux antimicrobiens. Ce tueur très silencieux menace de nous ramener à une ère post-antibiotique où les infections les plus banales redeviendraient mortelles », a souligné le président de l’Académie des sciences de Guinée (ASG).
Face à ce défi multidimensionnel, l’Académie des sciences de Guinée (ASG) et l’Université Gamal Abdel Nasser de Conakry (UGANC) proposent une réponse intégrée, reconnaissant les liens indissociables entre santé humaine, santé animale et environnementale.
« Pour éviter que la résistance antimicrobienne devienne une épidémie ingérable, je voudrais rappeler aux garants de l’usage rationnel que sont les médecins et pharmaciens, d’appliquer rigoureusement les protocoles thérapeutiques et de privilégier le diagnostic avant traitement. Aux gardiens de la santé animale que sont les vétérinaires, évitez l’usage non thérapeutique, adoptez des pratiques d’élevage responsable et surveillez les résistances dans la chaîne alimentaire. Aux architectes du cadre réglementaire que sont les décideurs politiques, renforcez davantage la réglementation et investissez dans des laboratoires de diagnostic. Aux premiers acteurs de la santé que sont les citoyens, les consommateurs, évitez l’automédication et exigez des aliments sûrs », conseille le président de l’Académie des sciences de Guinée, Mamadou Aliou BALDE.
Une mobilisation citoyenne et politique
Pour le Pr Bobo, la résistance aux antimicrobiens est une affaire de tous, non pas exclusivement aux chercheurs et aux médecins.
« La résistance aux antimicrobiens est une donnée qui peut intéresser le citoyen lambda, je devrais dire la citoyenne lambda, parce que c’est elle qui va au marché pour acheter le poisson ou la viande pour la sauce de la maison. Elle intéresse aussi les médecins et les vétérinaires, le scientifique pur et dur, les décideurs politiques de notre pays. Toute cette population, rurale comme urbaine, riche comme pauvre, pourrait subir les effets de la RAM », ajoute le professeur Bobo DIALLO, représentant du collège de l’Académie des sciences de Guinée.
C’est dire toute l’importance d’une lutte bien réfléchie, rationnelle et soutenue contre la résistance aux antimicrobiens. Ce colloque peut aider, ici en Guinée, en Afrique et ailleurs, à accélérer cette lutte humainement et scientifiquement.
« Ce colloque doit marquer le début d’une mobilisation nationale sans précédent. Pour aujourd’hui et pour demain, ensemble engageons-nous à préserver l’efficacité des antimicrobiens pour l’héritage du temps, pour la Guinée d’aujourd’hui et pour un avenir où les antimicrobiens resteront nos alliés », conclut le professeur Mamadou Aliou BALDE dans son discours de clôture de ce colloque.
Mamadou Kindy Bah













