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Gayo Diallo, le chercheur guinéen qui veut fiabiliser le vote grâce à l’intelligence artificielle

Dans de nombreux pays à revenu faible et intermédiaire, les processus électoraux restent entachés de dysfonctionnements qui minent la confiance du public et les principes démocratiques. Fraudes, manque de transparence et violences post-électorales deviennent récurrents. Pour y remédier, la société civile tente d’agir, mais ses moyens demeurent souvent limités.

C’est dans ce contexte qu’intervient Horoyah, une plateforme novatrice conçue par le chercheur guinéen Gayo Diallo, enseignant-chercheur à l’Université de Bordeaux et expert en systèmes d’information.

Une plateforme citoyenne pour surveiller les élections

Horoyah repose sur l’utilisation des graphes de connaissances, une technologie issue de l’intelligence artificielle symbolique qui permet de structurer, relier et analyser de grandes quantités de données. « Un graphe de connaissances aide à organiser les données sous forme de nœuds et de liens entre les nœuds, qui représentent des faits simples », explique le chercheur. « Sa particularité est d’intégrer une sémantique formelle c’est-à-dire un sens compréhensible par les machines permettant de faire du raisonnement et d’inférer de nouvelles connaissances. »

Autrement dit, cette technologie ne se limite pas à stocker des informations, elle les comprend et les relie logiquement, un peu comme le Knowledge Graph de Google, qui permet au moteur de recherche de répondre directement à des questions telles que : Quelle est la population de la Guinée ?

Grâce à cette innovation, les résultats rapportés par les citoyens depuis les bureaux de vote peuvent être collectés, vérifiés et visualisés sur des cartes interactives. Horoyah facilite ainsi l’identification d’irrégularités, la détection de tendances et la constitution d’une base de données auditable et transparente.

Le cas de la présidentielle de 2020 en Guinée

Pour illustrer son efficacité, le chercheur a appliqué Horoyah à l’élection présidentielle guinéenne de 2020. Alors que la Commission électorale nationale indépendante (CENI) avait proclamé la victoire d’Alpha Condé avec 59,49 % des suffrages, les données collectées par la société civile présentaient des écarts notables.
Horoyah a permis de mettre en lumière ces différences et de poser la question de la transparence dans l’agrégation des résultats officiels.

Selon Gayo Diallo, « avec ce framework, il est aisé de mesurer, par exemple, la différence entre la somme des votes déclarés d’une région et celle issue de l’agrégation des données du terrain. »
Le système peut également croiser les résultats électoraux avec d’autres sources, comme la densité de population, afin « d’identifier des contradictions ou des fraudes potentielles ».

Des garanties contre les fausses déclarations

Face au risque de désinformation, la plateforme intègre plusieurs garde-fous.
« Chaque déclaration citoyenne doit être accompagnée d’une preuve, notamment l’image du procès-verbal du bureau de vote, » précise le chercheur.
Avant d’être enregistrées dans le système, ces informations passent par une étape de validation : « Les données remontées sont d’abord vérifiées dans un environnement SaaS avant leur enregistrement définitif. »

Cette rigueur permet d’assurer la fiabilité des informations et de renforcer la crédibilité du processus.

Adapter la technologie aux réalités locales

L’un des défis majeurs reste l’accès limité à Internet dans les zones rurales.
Mais pour Gayo Diallo, des solutions existent : « On peut tout à fait imaginer une transmission des données par SMS via la 2G ou le protocole UDDI, qui ne nécessite pas de connexion Internet. Dans ce cas, l’envoi d’images ne serait pas instantané, mais les résultats textuels pourraient tout de même être intégrés. »

Former les utilisateurs pour garantir l’efficacité

Horoyah requiert différents niveaux de formation selon les profils d’utilisateurs.
« Ceux qui sont sur le terrain ont besoin d’une formation minimale : savoir remplir un formulaire et prendre une photo », explique le chercheur.
« Du côté du serveur, la formation porte sur la validation et la maintenance du système. Enfin, la mise à jour et l’évolution du graphe nécessitent un niveau d’expertise plus technique. » Cette approche graduée permet d’impliquer aussi bien les observateurs citoyens que les ingénieurs et analystes de données.

Vers l’avenir des élections numériques

Horoyah ouvre des perspectives prometteuses pour renforcer la transparence électorale et la confiance citoyenne, mais les défis ne manquent pas : désinformation, cybersécurité, fracture numérique ou encore fiabilité des données.

Pour Gayo Diallo, la clé réside dans l’adaptation locale et l’évolution technologique :
« La plateforme repose déjà sur l’intelligence artificielle, mais elle pourrait aller plus loin. À terme, elle pourrait intégrer des modules capables de détecter automatiquement les anomalies ou même permettre aux citoyens peu alphabétisés de participer via des outils vocaux. »

Une telle innovation, selon lui, pourrait transformer la manière dont les élections sont surveillées en Afrique et ailleurs, en donnant davantage de pouvoir aux citoyens et aux organisations de la société civile.

Vous pouvez lire l’article sur la revue scientifique ici : https://zenodo.org/records/17444454

Alpha Oumar Bagou Barry

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