La Guinée se veut aujourd’hui à un tournant dans cette transition numérique, avec la tenue ce mercredi 30 avril, de la Conférence sur les Données Numériques et l’Intelligence Artificielle (DOUNIA). Placée sous le thème « Co-construire une stratégie nationale en données numériques et en IA ancrée dans nos réalités et nos priorités », cette rencontre constitue un moment inaugural fondateur dans la volonté nationale de créer une véritable souveraineté numérique, unique et concurrentielle.
Cette conférence, co-organisée par la Cité des Sciences et de l’Innovation de Guinée et l’Académie des Sciences de Guinée, vise à faire émerger une stratégie technologique fit-elle en association avec les priorités de la nation, avec ses savoirs locaux, et dans un cadre éthique conforme à la réalité des pays africains.
L’intelligence artificielle au service d’une vision nationale
Dans son discours inaugural, le professeur Abdoulaye Baniré Diallo, coordinateur général de la Cité des Sciences, n’a pas manqué de souligner à quel point DOUNIA est un levier efficace pour donner corps à une synergie pérenne de chercheurs, de décideurs politiques, d’entrepreneurs et de chercheurs en IA.
« Ce n’est pas un événement de plus. C’est un appel à l’action » projection 2040.
S’appuyant sur les objectifs du programme Simandou 2040, le Professeur Diallo réaffirme l’ambition de faire de la Cité des Sciences un creuset de talents contribuant à la transformation des secteurs minier, agricole, environnemental et économique grâce aux sciences de la donnée, aux sciences de la décision, à la cybersécurité et à l’intelligence artificielle. « Dans ce cadre, nous, académiciens, nous sommes fiers, dans la composante de ce programme Simandou 2040, de la Simandou Académie, qui est une plateforme de formation à l’élite rattachée à différentes entités. Monsieur le Directeur de Cabinet, responsable du programme : je vous cite : la Cité des Sciences est l’une des armes de la Simandou Académie, elle sera donc un creuset de talents guinéens et africains de demain dans les domaines de l’intelligence artificielle, de la sécurisation des systèmes d’information, de la science des données, des sciences environnementales au service en premier des besoins de l’industrie extractive, agricole et économique en Guinée. C’est un pari sur la jeunesse, sur l’excellence, et sur une Afrique qui pense et agit sur elle-même, pour elle-même ».
Poursuivant, le Pr Baniré explique que la gouvernance des données et des technologies n’est pas un luxe. « Elle est une condition pour garantir une innovation qui serve le bien commun, respecte nos valeurs et protège nos droits fondamentaux. À l’issue de cette journée inédite, nous attendons des recommandations fortes qui donneront lieu à un Manifeste de Conakry de l’IA et des données. Émerge un mouvement de fond pour une Guinée numérique productive et compétitive.
Aujourd’hui, nous écrivons les premières lignes d’une Afrique qui agit dans son destin technologique. Ensemble, bâtissons autour de DOUNIA le socle d’une souveraineté numérique et scientifique, authentique, juste et pérenne. Aujourd’hui, nous ne lançons pas seulement une conférence. Nous lançons un mouvement, une vision, un engagement pour notre avenir numérique. Faisons de DOUNIA la voix d’une grande Guinée libre et innovante », avait-il souhaité.
Valoriser les savoirs traditionnels grâce aux technologies émergentes…
Le professeur Aliou Baldé, président de l’Académie des Sciences de Guinée a, pour sa part, plaidé pour une association harmonieuse entre technologie de pointe et patrimoine immatériel africain. « Aujourd’hui, au nom de l’Académie des Sciences de Guinée, à l’ouverture de cette conférence DOUNIA, qui marquera, j’en suis sûr, un tournant dans notre vision du numérique et de l’intelligence artificielle, je dis que cette conférence n’est pas un énième colloque. Elle porte l’ambition de faire de la Guinée un laboratoire d’innovations où technologie de pointe et savoirs ancestraux se croisent pour forger une société du savoir authentiquement africain. Hier, un rêve pour tout enseignant, chercheur, étudiant. Aujourd’hui, une réalité ! Car, la Cité des Sciences nous honore doublement et nous le devons à bien des artisans, au premier d’entre eux le président de la Transition ».
Le Pr. Baldé, dans le prolongement de cette préoccupation, a abordé l’intérêt de la sauvegarde de la culture traditionnelle. « L’Académie des Sciences est particulièrement soucieuse des savoirs traditionnels, un patrimoine à préserver, à valoriser ; savoirs patrimoniaux qui portent la mémoire des pratiques agricoles, des savoirs médicaux, des manières de gérer les ressources naturelles, et un riche patrimoine immatériel fondé sur les langues locales ».
Mais ce patrimoine culturel est menacé : la prééminence des langues étrangères dans l’éducation et les médias, la déperdition de la transmission intergénérationnelle, l’absence de systèmes d’écriture. « Pourtant, la dynamique de développement des technologies, notamment de l’intelligence artificielle, semble offrir de nouvelles perspectives. Mais cela nécessite de faire face à des enjeux éthiques, pour ne pas décontextualiser ce savoir, échapper aux biais algorithmiques, et assurer une transmission humaine gardant la richesse des nuances gestuelles et vocales » a ajouté le Pr Aliou Baldé.
L’Académie des Sciences, pour répondre à ces enjeux, envisage plusieurs actions qui visent à sensibiliser la population guinéenne aux enjeux de préservation de la culture à travers des initiatives éducatives, à établir des collaborations avec des partenaires nationaux et internationaux, et à intégrer les savoirs traditionnels dans les programmes de formation en IA.
« Nous demeurons, pour notre part, convaincus qu’en fondant la technologie sur la sagesse des ancêtres, il est possible de doter la mémoire culturelle de nos récits millénaires d’une pérennité sans sacrifice de son âme » conclut le Pr Aliou Baldé.
Une volonté politique affirmée pour construire la souveraineté numérique
S’exprimant au nom du gouvernement, Rose Pola Pricemou, ministre des Postes, des Télécommunications et de l’Économie Numérique, a donné tout son sens à l’initiative DOUNIA, comme une première pierre à l’édifice d’un futur numérique souverain « Il y a à peu près deux semaines au sommet africain sur l’IA à Kigali, une phrase a résonné profondément en moi : Si l’Afrique ne définit pas elle-même ses règles aujourd’hui, demain nos enfants n’auront d’autre choix que d’appliquer celles des autres, parce que cette vérité est le cœur même de notre engagement. La preuve en est notre présence ici même à Conakry, pour coécrire la nouvelle page de notre souveraineté numérique. »
Dans quelques mois la Guinée va lancer son Data Center national de type 3, dans la foulée, une Semaine du Numérique aura lieu en octobre 2025 ; avec comme dimension l’IA. « Nous avons entamé les travaux du Technopôle Numérique, une usine d’entreprenariat, start-up, cybersécurité, Big Data et IA » a affirméRose Pola Pricemou, ministre des Postes, des Télécommunications et de l’Économie Numérique.
L’intelligence artificielle est déjà présente dans nos vies
En agriculture, des algorithmes prédictifs permettent d’appréhender les rendements, d’anticiper les épidémies, d’optimiser l’utilisation des engrais. En éducation, les plateformes adaptatives aident les élèves à leur rythme grâce à des contenus qui prennent en compte nos langues et nos cultures. C’est pourquoi la ministre des Postes, des Télécommunications et de l’Économie Numérique annonce que « la Cité des Sciences et de l’Innovation va accueillir des laboratoires numériques, un centre de données, sera un espace de production et de formation afin de produire des solutions locales ».
Cette journée d’échange a réuni plusieurs chercheurs, innovateur, spécialistes de l’IA de la Guinée et un peu partout à travers le monde. Des panels riches en échanges ont rythmé cette journée sur les enjeux de l’IA et des données dans les pays africains avant un seul mot ; co-construire notre avenir numérique en fonction de nos propres réalités et priorités.
Ibrahima Sory Diallo ; Fanta Barry