jeudi 28 mars 2024 :
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Coronavirus : « il faut aider les agriculteurs à se relever », plaide Mamadou Diao DIALLO, le D.R.A de Mamou !

Alors que la covid-19 continue de freiner l’effort des autorités du secteur agricole guinéen, la peur et l’incertitude s’installent chez les acteurs agricoles du pays.  Dans une interview accordée à notre rédaction, Mamadou Diao DIALLO, directeur régional de l’agriculture de Mamou tire la sonnette d’alarme et plaide en faveur des agriculteurs guinéens.

 Universciences : le mariage entre la période des récoltes et la covid-19 est-il consommable pour les agriculteurs de la région de Mamou ?

M D D : depuis l’apparition de la pandémie de coronavirus en mars dernier en Guinée, la région de Mamou a connu des moments difficiles dans le secteur agricole. Ce problème a persisté au fur et à mesure que les jours passent. Cela a coïncidé à la période où certains producteurs de la pomme de terre et de la tomate sont en pleine récolte. Certains produits sont restés dans les champs, tandis que d’autres ont été stockés dans les magasins. Les commerçants qui évoluent dans cette filière de commercialisation des légumes ont pris ces produits pour les acheminer à Conakry. Entre temps, l’État a annoncé des mesures restrictives dans le secteur des transports et la ville de Conakry a été confinée. Il y’a eu un blocage des produits agricoles en cours d’acheminement dans les zones réputées solvables.

Univerciences : quels produits sont concernés, on ne parle que de la pomme de terre ?

M D D : plusieurs tonnes de légumes ont pourri sur la route depuis l’avènement de cette pandémie dans le pays. Généralement, les légumes et fruits sont des produits agricoles périssables sous peu de temps faute de chambres froides. C’est ainsi que la région de Mamou a connu d’énormes pertes dû à la pourriture des produits pendant cette période pandémique. Maintenant, ce sont les aubergines, les gombos, bref, c’est tous les produits qui rentrent dans le maraichage qui sont en train d’emboiter le pas. D’ailleurs, avec cette dernière spéculation on ne parlait plus de la commercialisation. A ce jour, les agriculteurs qui n’ont aucun moyen de stockage regardent leurs productions pourrir, ils n’ont que les yeux pour pleurer.

Uniersciences : quelles sont les marges de manœuvres pour écouler ces produits dans votre région ?

M D D : jusqu’à présent le problème persiste dans la région de Mamou. Les agriculteurs sont en phase de récolte, ils ne peuvent donc pas s’arrêter à mi-chemin. Donc, il faut que cette récolte arrive à son terme. Mais la question est : quand ils récoltent, où vont-ils envoyer ces récoltes ? Dans les magasins, quand ils déposent ces produits, après trois (3) jours tout le stock est pourri.

Universciences : l’écoulement de ces produits ne peut pas se faire dans les marchés locaux ?

M D D : malheureusement, les marchés locaux n’en demandent pas assez pour se tourner vers eux et éviter toutes ces pertes. Il faut donc viser les zones de grande consommation, or, la plus grande zone solvable c’est la ville de Conakry, viennent ensuite les autres villes comme Boké, Fria… En dehors des grandes villes du pays, pour la solvabilité de la pomme de terre, il faut compter sur les exportations dans les pays frontaliers ; la Sierra Leone, le Sénégal, la Guinée Bissau entre autres. Avant la crise liée à la pandémie de coronavirus, certains acheteurs venaient de la Sierra Leone pour s’approvisionner en légume. Aujourd’hui, la covid-19, a poussé les Etats à fermer leurs frontières ; il n’est pas possible d’envisager une exportation vers ces pays.

Universciences : avec la fermeture des frontières et le confinement, quelle capacité de stockage dispose cette région pour limiter les pertes liées au coronavirus ?

M.D Diallo : les agriculteurs disposent de magasins de stockage c’est vrai, mais ces sont des magasins qui ne peuvent rien face à cette situation. Ce sont plutôt les chambres froides (magasins de conservations) qui sont les plus souhaitées pour la garder aussi longtemps que possible les produits. Cependant, dans toute la région de Mamou, presqu’il n’y a une seule chambre froide. Cette chambre froide se trouve à Timbi Madina, dans la préfecture de Pita et sa capacité de stockage est de 250.000 tonnes de pomme de terre.

Universcience : l’union des agriculteurs de Soumbalako donne une estimation de 40 milliards de francs guinéens de perte cette année, quelles sont les statistiques que vous disposez ?

M D D : en réalité, la région de Mamou a été durement impactée par les restrictions dans le secteur des transports mais également la fermeture des frontières. Le constat sur Timbi Madina est amer et c’est le cas de Soumbalako, de Ditin et bien d’autres localités.  D’ailleurs, en termes de perte, même les agriculteurs ne peuvent pas donner une estimation sans se référer aux productions antérieures. A vrai dire on ne peut pas faire ce calcul et donner un chiffre exact car, plus de 5.000 tonnes étaient en jeu et beaucoup de champs non récoltés.

Universcience : y-a-t-il eu une volonté de l’Etat guinéen pour soulager ces agriculteurs et relancer le secteur agricole dans cette région ?

M D D : le ministère de l’agriculture à travers le projet développement agricole intégré de guinée (PDAIG) a donné de la semence, d’engrais et des produits désherbants. Nous avons été informés mais pour l’instant, ces intrants ne sont pas encore parvenus aux agricultures. Cette intention, nous la saluons mais, ce qui a été annoncé est nettement insuffisant pour couvrir la campagne agricole de cette année. Ces intrants agricoles sont annoncés après le passage de certains missionnaires. Finalement, ils ont compris qu’au Fouta, les maïs ont commencé à prendre de la hauteur mais fort malheureusement, on ne nous a pas prévus en maïs. Si ces intrants annoncés n’arrivent pas d’ici le 15 juillet prochain, ça sera trop tard. Il faut rappeler que depuis fin 2018, la région administrative de Mamou n’a pas reçu d’engrais agricole de la part de l’Etat. Les agriculteurs sont obligés d’acheter sur le marché à raison de 230.000 à 240.000 FG le sac d’engrais.

Universcience : qu’avez-vous à demander aux autorités en charge de l’agriculture en Guinée ?

M D D : les autorités doivent partager les peines des agricultures pendant cette période de covid-19. C’est vrai qu’il y’a eu assez d’acquis dans le système agricole de 2011 à 2018 tant sur le plan du rendement que sur l’itinéraire technique. Aujourd’hui, il faut aider ces paysans à se relever parce que plusieurs entre eux se sont endettés avec les institutions de micro finance. Ces institutions ont fixé des échéances de remboursements qui correspondent à la période des récoltes. Pour cette année, la récolte a été entachée par la pandémie de covid-19 au point qu’il n’y’a pas eu de commercialisation. Pourtant, s’ils ne remboursent pas ces dettes ils ne pourront certainement pas faire face à la campagne de 2021 -2022. Ainsi, cela peut directement conduire la Guinée dans une crise alimentaire sans précédent.

 

Propos recueilli par Mamadou Kindy BAH     

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Oumar Bagou

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